Offrir réparation de la violence intersectionnelle : La Petite Danseuse de quatorze ans (2017) de Camille Laurens

DOI : 10.54563/gfhla.291

Plan

Texte

Paru en 2017, La Petite danseuse de quatorze ans de Camille Laurens est consacré à l’œuvre du même nom d’Edgar Degas, sculpture présentée en 18811, à Paris, au Salon des Indépendants. Celle-ci provoqua alors un scandale considérable et allait faire date dans l’histoire de l’art. Le récit est relativement inclassable, oscillant entre différentes catégories littéraires : essai, biographie imaginaire2 consacrée à Marie Van Goethem, le modèle de Degas, et récit de filiation3 (l’auteure tisse des liens entre la danseuse et sa propre famille ou ses expériences personnelles). Cet aspect atypique, hybride4, qui brouille les classifications, n’est pas sans faire écho à la sculpture elle-même : par la trivialité, voire le caractère sulfureux de son sujet, par la diversité de ses matériaux (cire, crin de cheval, tissus), l’œuvre de Degas, impossible à rattacher à un mouvement artistique5 précis, semble faire signe vers la culture populaire, le domaine médical, l’ethnographie.

Après trente ans de fascination et de compagnonnage (la reproduction de la statuette fait partie de son musée personnel), Camille Laurens s’est livrée à une enquête minutieuse pour restituer son histoire et sa dignité au modèle de la Petite danseuse, considéré en son temps comme une fille de peu en raison de son sexe, de son âge, de son milieu social et de ses origines étrangères. Attentif aux rapports de pouvoir et de domination que les études de genre (gender) ou les analyses postcoloniales et subalternistes ont mis en lumière6, le récit expose et vise à réparer symboliquement les phénomènes d’infériorisation et d’occultation socioculturels et politiques dont fut victime Marie Van Goethem dans la France de la Troisième République. Ces mécanismes furent renforcés par le scandale et la rapide notoriété de la sculpture, l’œuvre d’art ayant contribué à réifier, en la dénaturant et en l’invisibilisant, la personne même du modèle, cette figure de « minuscule »7 largement maintenue dans l’ombre de la « grande » figure que constitue son illustre créateur.

Chez Camille Laurens, à travers l’ambiguïté ménagée par le titre choisi qui se rapporte tant à la sculpture qu’au modèle, « la petite danseuse de quatorze ans » est traitée au prisme de l’entrecroisement des violences de genre, de classe et de race. Dans cette perspective, l’ouvrage insiste d’abord sur le fait qu’à l’Opéra de Paris la condition de petit rat (la plus basse dans la hiérarchie des rôles) constitue au XIXe siècle un concentré de plusieurs formes de discriminations, soit de violence intersectionnelle8. S’appuyant sur les discours scientifiques et les propos de la critique artistique de l’époque, le récit vise aussi à dégager les modalités et les enjeux d’appropriation idéologique du modèle par Edgar Degas. S’inscrivant dans la perspective de « remédiation »9 manifestée par certains pans de la littérature française contemporaine, La Petite danseuse de quatorze ans constitue enfin un tombeau littéraire que son auteure offre à Marie Van Goethem, geste oblatif qui n’est pas sans toutefois s’apparenter à une autre forme de réappropriation de la figure.

Le petit rat de l’Opéra, concentré symbolique de plusieurs phénomènes de domination

« Au XIXe siècle, la danseuse de l’Opéra hante autant l’imaginaire collectif que la scène, les coulisses et le foyer de la danse. Elle constitue la figure érotique féminine par excellence, car son corps est exposé, ses courbes, seins, hanches et fesses montrés et soulignés, ses jambes dévoilées »10, écrit Claude Schopp. La Petite danseuse de quatorze ans, statuette d’un mètre environ, représente une jeune fille en position originale de défatiguage, de relâche ou d’ennui, témoignage possible des douloureux exercices répétés quotidiennement à l’école de danse de l’Opéra. Cette œuvre, à laquelle Degas a donné un titre (ce qu’il ne faisait pas systématiquement), n’est pas consacrée à une « danseuse mythique », « vêtue d’un beau costume de scène », représentée dans « l’une des positions classiques de la ballerine »11. L’artiste choisit au contraire de figurer une de ces nombreuses fillettes ou jeunes filles qui se trouvent au plus bas de la hiérarchie du Palais Garnier, une élève-danseuse, un des ces « petits rats » faisant de la figuration sur scène pour un salaire minime : une « travailleuse ordinaire », « besogneuse de l’ombre », un « sujet aux prises avec la sinistre réalité »12. Degas est en effet un observateur de la ville moderne (cafés, Opéra, maisons closes, boutiques…), laquelle n’est pas sans offrir nombre de représentations possibles de l’« état social » cher à son ami Edmond Duranty, le co-fondateur du périodique Réalisme (1856-1857).

Entrés à l’école de danse de l’Opéra parfois dès l’âge de six ou huit ans, les petits rats, comme le rappelle Camille Laurens dans une perspective sociologique, sont des « enfants qui travaillent, à l’instar des cousettes, des petites bonnes »13. Il s’agit généralement de fillettes pauvres, souvent misérables, que leurs mères font travailler pour contribuer à l’argent de la famille tout en espérant qu’elles trouveront un protecteur en la personne d’un des ces abonnés, aristocrates ou bourgeois d’un certain âge, qui fréquentent le foyer de l’Opéra. La danseuse vendue, la mère-maquerelle, l’abonné-client constituent un « trio infernal »14 qui fait écrire à Théophile Gautier que « tous les marchés d’esclaves ne sont pas en Turquie »15. Comme nombre de ses œuvres en témoignent (dessins, toiles, sculptures), Degas, qui a fait de la représentation des coulisses « son territoire de prédilection »16, dévoile lui aussi « l’envers du décor »17, « la beauté cache-misère »18, c’est-à-dire l’exploitation sordide qui concourt au monde de divertissement et de rêve qu’est l’Opéra, monde bourgeois au service duquel se trouvent un certain nombre de filles et de femmes qui n’en font pas partie. Les monotypes de la famille Cardinal réalisés vers 1876 ou 1877 ou des œuvres comme Avant l’entrée en scène (vers 1880), Le Foyer de la danse (vers 1880) et Danseuses à leur toilette (examen de danse) (vers 1881) montrent ce que Richard Kendall appelle des « prédateurs », « le plus souvent représentés sous forme de présences verticales et sombres, assez inquiétantes […] qui rôdent près de la scène, parcourent les couloirs à l’affût et s’agglutinent au foyer de la danse avant et après les représentations »19. Le critique ajoute que « tour à tour frustes et comiques », ces personnages « symbolisent le mélange de formalité et de licence, de contrôle masculin et d’asservissement féminin qui imprègne la conception de la danse chez Degas »20. Selon Camille Laurens, « Degas désire abattre le stéréotype, assener une vérité que la société ignore – veut ignorer. La danse n’est pas un conte de fées, c’est un métier pénible. Cendrillons sans marraine, les petits rats ne deviennent pas des princesses »21. L’auteure explique que les élèves danseuses sont appelées des « marcheuses » parce qu’elles se contentent d’exécuter des pas, activité qui n’est pas sans « anticiper leur proche avenir sur le bitume »22. Elle insiste donc sur le paradoxe de la condition de petit rat qui

vit les trois quarts du temps dans un univers factice où la danse et le chant lyrique expriment des tragédies sur fond de décors magnifiques […]. Il évolue, en coulisses comme sur scène, pour le plaisir d’un public élégant et libertin, qui lui fait mesurer toute la hauteur de l’échelle sociale […]. Mais il sait à peine lire, doit souvent se taire […], et finit par rentrer dans son galetas23.

Si, dans la désignation de ces figurantes, la métaphore animalière du petit rat rend compte de l’humilité hiérarchique, elle évoque aussi la fange, les égouts, la faim qui pousse à la recherche perpétuelle de nourriture comme la transmission de cette « peste sexuelle »24 qu’est la syphilis. Au Salon de 1881, La Petite danseuse de quatorze ans fut significativement qualifiée de « petite Nana »25, formule qui renvoie au destin malheureux de la figure éponyme d’actrice et de prostituée campée par Émile Zola.

Violences de genre et de classe se conjuguent donc dans le destin social de ces petits rats, filles pauvres « dont le corps est la seule valeur »26, qui à quinze ans sont souvent alcooliques et phtisiques. Marie Van Goethem en est un exemple qui, à ces facteurs de discrimination, en ajoute un troisième dans la mesure où elle est d’origine étrangère. Quittant Bruxelles, ses parents, comme près d’un demi-million de Belges à cette époque, « avaient émigré pour fuir la misère et s’étaient installés au pied de Montmartre, dans l’un des quartiers les plus pauvres de la capitale »27. Le père s’évanouissant bientôt, la mère reste seule avec trois filles qu’elle place, avec des fortunes diverses, à l’Opéra. « Avoir trois filles est à la fois un désastre et une aubaine quand on n’a pas d’argent. On peut toujours les vendre »28, écrit Camille Laurens qui souligne combien, fille pauvre née de parents étrangers, Marie Van Goethem est triplement « minuscule »29 et humiliée dans le système sociopolitique français de la fin du XIXe siècle qui place à son sommet « les hommes blancs de riche condition et au dernier échelon les autres races, les femmes et les pauvres »30. Elle a dansé deux ans à l’Opéra avant d’en être renvoyée en mai 1882, pour absentéisme. C’est qu’elle avait un deuxième, voire un troisième métier : elle posait fréquemment pour Degas. Or, selon Camille Laurens,

plus elle pose pour Degas […], moins elle est assidue aux répétitions du ballet. C’est que le peintre des danseuses paie beaucoup mieux que l’administration du palais Garnier. Une séance de quatre ou cinq heures de pose lui rapporte deux à trois fois plus qu’une journée à l’Opéra […].31

Degas – précisons qu’à la différence d’un Corot, d’un Delacroix ou d’un Renoir, il n’est pas connu pour avoir profité sexuellement de ses modèles – a régulièrement employé Marie Van Goethem à partir du moment où elle est entrée à l’Opéra alors qu’il connaissait sa famille depuis plusieurs années (Antoinette, la sœur aînée, avait déjà posé pour lui), preuve, selon Martine Kahane32, historienne de l’art, que ce qui en elle intéresse l’artiste, c’est la danseuse33 ou plus précisément encore « le petit rat issu du peuple »34. C’est en effet cette qualité qui, en Marie Van Goethem, est le support chez Degas d’un projet et d’une appropriation ambigus dont l’ouvrage de Camille Laurens interroge les soubassements idéologiques.

L’appropriation du modèle dans La Petite danseuse de quatorze ans de Degas

Si Marie Van Goethem est loin d’avoir été l’unique modèle de Degas, on la retrouve dans nombre d’œuvres de l’artiste. La Petite danseuse de quatorze ans a fait l’objet d’au moins vingt-six études préparatoires. Le fait que « ce n’est pas son véritable visage que nous regardons »35 intéresse particulièrement Camille Laurens. Celle-ci a été frappée par le travail de transfiguration du modèle que révèlent les Quatre études de danseuse où « on la voit de face, jolie brune aux joues rondes »36. Degas a volontairement « enlaidi »37 Marie Van Goethem, l’a « littéralement dénaturée »38. Les travaux d’historiens de l’art comme ceux d’Anthea Callen détaillent avec précision les altérations apportées entre les dessins préparatoires et la maquette de nu39. Ils révèlent en effet que Degas a doté sa statuette de « traits dénoncés comme typiquement criminels par la phrénologie et l’anatomie médicale de l’époque – front fuyant, mâchoire prognathe, pommettes saillantes, cheveux épais »40. C’est donc bien « sciemment » que l’artiste a exploré « les physiognomonies simiesques et animales comme signifiants scientifiques des basses classes parisiennes de l’époque »41.

La Petite danseuse de quatorze ans de Degas semble par conséquent être l’illustration de ce qui serait un type – « la race de la rue »42 – et d’un certain destin social du féminin pauvre – la prostitution considérée en tant qu’activité sexuelle dépravée et potentiellement criminelle43 – selon des théories présentées alors comme scientifiques, affirmant le déterminisme de la physiologie, du milieu et de l’hérédité (physiognomonie de Lavater, anthropologie criminelle de Lombroso, transmission héréditaire de la criminalité de Lucas, angle facial de Camper, par exemple). Ces thèses véhiculent, en la confortant, l’idée de la supériorité des classes dominantes sur les classes laborieuses (considérées comme dangereuses), des populations occidentales sur les autres, des hommes sur les femmes. Largement diffusées, de telles « classifications visuelles rapides des types de caractères »44 répondent notamment à un désir de contrôle du corps social en une période de forte expansion urbaine. Au Salon de 1881, en même temps qu’il exposait sa Petite danseuse dans une vitrine en verre, Degas avait choisi, dans un geste manifeste d’ « unité discursive »45, de montrer aussi Quatre physionomies de criminels, études de têtes de jeunes hommes inculpés pour meurtre dont il a transfiguré les visages selon les mêmes principes que pour sa représentation de Marie Van Goethem.

Par leurs réactions associant – dans un même mouvement de dénigrement – féminin populaire, délinquance ou criminalité et primitivisme, les contemporains ont vu dans La Petite danseuse l’illustration même des thèses mentionnées ci-dessus et la démonstration d’une infériorité manifeste de genre, de classe et de race. Les propos des critiques attestent à quel point « les langages de la physiognomonie et de la criminologie étaient devenus partie intégrante du discours artistique moderne »46. Pour certains, la figure ressemble à un singe ou à un avorton. Paul Mantz décrète qu’elle présente « un visage où tous les vices impriment leurs détestables promesses »47. Ses traits révéleraient donc « sa prostitution en acte ou en germe »48. Jugée « à moitié idiote […] avec sa tête et son expression aztèques »49, elle évoque ce que l’on se représentait alors comme les « premiers stades de l’évolution humaine »50 ainsi que l’explique l’historien de l’art Douglas Druick. En pleine période coloniale (rappelons que sous la Troisième République, l’expansion impérialiste française s’intensifie dans le contexte de la course aux colonies à laquelle les puissances européennes se livrent), de tels propos manifestent un ethnocentrisme racial et raciste alors fort répandu participant de la justification des conquêtes et des pratiques colonialistes. La vitrine de verre (dont l’usage était rare pour les expositions de sculpture moderne51) fut assimilée aux cages exposant des spécimens ethnologiques comme c’était le cas à Paris au Musée de l’Homme. Il semble donc significatif à Camille Laurens que Misty Copeland, première danseuse afro-américaine à être devenue étoile en 2015 à l’American Ballet Theatre of New York, ait choisi de reprendre la pose de la Petite Danseuse de quatorze ans. L’auteure voit dans le geste de la danseuse l’évocation du « malheur des esclaves noirs dont les mannequins en cire représentaient l’effigie lors des expositions coloniales »52.

Associée à d’autres matières comme le crin et les tissus, la cire, matière préparatoire qui n’est pas considérée comme noble en sculpture, a aussi orienté la réception de l’œuvre de Degas vers les modèles anatomiques de médecine ou les masques mortuaires, d’autant que la Petite danseuse était volontairement exposée sous verre. L’hybridation des matériaux utilisés53, qui tirent la statuette du côté de l’objet courant (et non de l’objet d’art), de la poupée ou du mannequin, renvoie à la culture de masse (foires, musées de cires, magasins) plus qu’aux beaux-arts. Trivialité du sujet (on est dans le domaine de « l’infime »54 social ou racial et du « sulfureux »55) et dimension commune des matériaux firent scandale, alimentant les fantasmes décadentistes de la fin de l’art, alors que l’œuvre, comme l’a bien relevé un Huysmans56, témoigne au contraire d’une profonde modernité57 et a été rétrospectivement saisie comme la manifestation emblématique d’une indéniable « rupture »58, d’une véritable « révolution artistique »59.

Si Degas a indéniablement puisé dans les discours et les images de la science de son temps « pour permettre l’identification instantanée de son personnage aux classes dangereuses »60, la question de ses intentions profondes demeure, elle, irrésolue. Camille Laurens choisit d’exploiter cette ambiguïté. Issu des sphères sociales favorisées, connu pour ses positions misogynes et antisémites (il fut antidreyfusard), peut-être l’artiste adhérait-il au moins pour partie à certaines des idéologies issues des discours médicaux et scientifiques infériorisant les femmes, les milieux populaires et les populations extra-occidentales. Aurait-il pu néanmoins s’être livré à une forme de critique sociale ? Camille Laurens s’interroge :

[…] ne tend-il pas un miroir aux spectateurs […] ? Ceux qui décodent les signes émis par la statuette – mal, vice, perdition – n’ont-ils pas ainsi l’occasion de les interpréter à l’aune de leur propre vie ou de la société qu’ils ont construite ? Cette enfant maladive n’aurait-elle pas un autre destin s’il n’y avait pas d’hommes pour la dévoyer ni de femmes pour la mépriser ? En effet, si Degas a accentué son côté animal, il a pris soin d’en faire autant avec les clients des bordels qu’il a peints – messieurs ventripotents à groin de cochon et front bas – dans le même souci de dénoncer l’hypocrisie sociale.61

L’écrivaine propose de prendre en considération une autre œuvre dont Marie Van Goethem fut le modèle et qui pourrait avoir eu une portée engagée dans le contexte sociopolitique de la Troisième République alors agité par les débats houleux sur l’instruction publique qui conduisirent aux lois Jules Ferry de 1881-1882. En 1880, alors qu’il travaillait à La Petite danseuse, Degas a aussi modelé une autre statuette qu’il a intitulée L’Écolière. Présentant le même visage et presque la même pose que la célèbre ballerine, celle-ci, bien moins connue, figure une jeune fille vêtue d’habits bourgeois et portant chapeau, munie de livres. « Voilà donc ce qu’aurait pu devenir Marie si la nécessité économique et les inégalités sociales ne l’en avaient empêchée, voilà ce qu’elle aurait dû devenir, sous ces mêmes traits supposément criminels : une charmante écolière »62, explique Camille Laurens. La confrontation de L’Écolière et de La Petite danseuse, représentations de deux destins sociaux différents de l’enfance féminine, pourrait révéler que Degas, « quoique bourgeois réputé hautain », peut « se rapproche[r] […] de prédécesseurs comme Millet, attentif à la pauvreté rurale, ou de contemporains un peu tombés dans l’oubli, tels que Fernand Pelez, peintre des enfants mendiants »63.

Il semble en tout cas que ce perpétuel « expérimentateur »64 que fut Degas ait rarement cherché à « flatter le goût esthétique »65 du public, que ce soit à travers sa Petite danseuse ou dans le reste de son œuvre. Au travers des « significations complexes qu’il inscrivait dans sa sculpture »66, a-t-il pour autant voulu « déranger pour donner à penser »67, comme aimerait le croire Camille Laurens ? Quoi qu’il en soit, dans cette célèbre statuette, la transfiguration des traits de Marie Van Goethem vaut pour dénaturation et pose la question de la négation de l’identité du modèle.

L’appropriation mémorielle de Camille Laurens ou l’oblation d’un tombeau littéraire

La démarche de Camille Laurens opère-t-elle comme l’envers de celle d’Edgar Degas ? L’auteure reproche à l’artiste d’avoir fait de la Petite danseuse de quatorze ans « une allégorie » (procédé repris selon elle par la danseuse étoile Misty Copeland, mais aussi par le sculpteur Damien Hirst qui, dans The Virgin Mother, propose sa propre relecture de l’œuvre de Degas68). Elle se refuse pour sa part à « désincarner »69 Marie Van Goethem, à « la dépouiller »70 ou à la réifier en la transformant en « un simple objet d’étude »71 : « Je voulais être honnête avec cette vie minuscule, ne pas me contenter de ce que tout le monde en disait. Je voulais retrouver sa trace à Paris où elle était née, où elle avait disparu un jour »72. Citant un extrait de Dora Bruder de Patrick Modiano – « Je ne peux pas m’empêcher de penser à elle et de sentir un écho de sa présence dans certains quartiers »73 –, Camille Laurens se place d’ailleurs explicitement dans le sillage de l’auteur, récompensé en 2014 par le prix Nobel, dont l’ensemble de l’œuvre vise à saisir « des traces interrompues, des destinées humaines fuyantes et presque insaisissables »74.

L’écrivaine ne se livre pas moins à une autre forme de réappropriation de Marie Van Goethem en visant à montrer que celle-ci constitue une « victime »75 dans un système sociopolitique qui minore les femmes, les classes populaires et les populations d’origine étrangère ou en situation de domination coloniale. Une telle entreprise s’inscrit dans la mouvance de la déconstruction des discours patriarcaux et coloniaux comme dans la quête plus large de « justice rétrospective »76 qui anime tout un pan de la littérature contemporaine française77 attaché à conduire « un procès en réparation au profit des victimes de l’histoire, mais aussi des simples oubliés »78 (on pense à Vies minuscules de Pierre Michon, récit matriciel à cet égard). Rendre son histoire et sa visibilité à la vie humble et humiliée du modèle de La Petite danseuse de quatorze ans ressortit à ce type de « projet esthético-éthique » qui, dans la mouvance de la micro-histoire79, s’appuie sur une « vision foucaldienne, c’est-à-dire une conception réparatrice où la parole historique restitue des mondes et vient corriger les oublis des discours officiels à leurs marges »80.

Dans La Petite danseuse de quatorze ans, pour retrouver la vérité du réel de « cette vie laborieuse » qui est aussi une « vie capitale »81, pour restituer autant que faire se peut « le corps, le corps vivant »82, Camille Laurens s’est livrée à une « enquête »83 minutieuse et documentée dont elle rend compte dans les notes et la bibliographie qui accompagnent son récit. Elle mentionne la correspondance et les journaux de Degas (dont elle cite régulièrement des extraits) ainsi que nombre d’écrits de ses contemporains qui, à défaut de parler de Marie Van Goethem même, furent des témoins de l’époque et de certaines des réalités vécues par la danseuse. Après avoir consulté les archives de l’Opéra de Paris et celles de l’État civil, l’écrivaine a même pu lever et expliquer une incertitude concernant sa date de naissance84. Par honnêteté et dans le souci de « ne pas trahir la vérité »85, Camille Laurens explique s’être refusée à inventer les nombreux épisodes biographiques manquants de la vie de Marie Van Goethem qui, à partir de 1882, « au contraire de ses deux sœurs, […] a disparu […] s’est envolée »86. « La forme de la non-fiction s’est imposée »87, déclare-t-elle, précisant : « je n’ai pas inventé sa vie, je n’aime pas inventer la vie »88. Ainsi, l’une des questions placées à l’ouverture du livre demeure-t-elle en suspens : l’on ignore où et quand le modèle de La Petite danseuse a trouvé la mort.

Mais en dépit de cette déclaration d’attachement au domaine véridictionnel, Camille Laurens reconnaît des tensions entre factuel et imaginaire. Les hypothèses qu’elle avance à de nombreuses reprises, les modalisations dont elle use en sont des exemples. L’un de ses partis pris d’écriture – « ne pas séparer le modèle de l’artiste, attraper un peu de leur lien »89 – la conduit à des rêveries poétiques :

[…] ne sachant rien de sa mort à elle, j’ai tendance à la confondre dans mon imagination avec sa vieillesse à lui, d’une solitude épouvantable. […] Le spectre de Marie s’enfonce dans cette lourde pénombre où Degas sombra lui-même, son fantôme est emporté, enterré avec sa dépouille. Rien ne peut plus les séparer.90

Camille Laurens voit ainsi dans la sculpture même de la Petite danseuse la « présence absente » du « couple éphémère »91 que l’artiste et son modèle constituèrent, « leur monument, leur requiem »92. En outre, la profonde implication personnelle à l’œuvre dans la conduite du récit rompt avec la démarche méthodologique propre à l’écriture documentaire. L’énonciation à la première personne, particulièrement appuyée dans l’encadrement du récit (comme le montrent le prologue et l’épilogue), aboutit à un certain brouillage entre entreprises biographique et autobiographique, portrait et autoportrait.

Camille Laurens ne cache pas qu’elle rêve aux rencontres qui auraient pu se produire entre Marie Van Goethem et sa propre arrière-grand-mère, fille-mère issue du monde minier du nord de la France, deux femmes du Paris populaire ayant résidé au tournant du siècle dans deux arrondissements proches : « à travers mon ancêtre, il y a un lien entre elle et moi dans le temps »93. Plus encore, elle révèle finalement combien, petite fille, elle a souhaité devenir danseuse, son professeur l’ayant encouragée en ce sens jusqu’à ce que son père prenne connaissance de signes de maltraitance causés par les coups de baguette dont ledit professeur cinglait les cuisses de ses élèves. Rapportant avec humour les fantasmes qui habitaient la jeune « Laurence, futur[e] étoile au firmament des idoles »94, la voix de la narratrice qui se confond avec celle de l’auteure va donc jusqu’à fournir un indice onomastique95 qui fissure le masque du pseudonyme, du nom d’auteur, dévoilant bien, à travers cette intrusion de la sphère intime, le désir de proximité ou le système de projection à l’œuvre dans l’écriture biographique ou essayistique. Les raisons profondes du choix du sujet trouvent ici une forme d’éclairage. On comprend mieux aussi, dans la clausule du texte, la présence de l’image du « pas de deux » empruntée au registre de la danse pour désigner le lien tissé entre la « petite danseuse » et son auteure, lien imaginé et construit par l’écriture qui exhibe une réappropriation toute personnelle de la figure de Marie Van Goethem.

En témoigne également l’intrusion de la deuxième personne dans les toutes dernières lignes de l’ouvrage qui frappent par leur caractère adressé. Dans un commentaire méta-narratif, Camille Laurens explique tutoyer la « Petite danseuse » « comme s’il s’agissait de [s]a propre fille ou quelqu’un de [s]a famille »96. La clausule prend la forme de cette « lettre à [Marie Van Goethem] destinée »97, écriture épistolaire à laquelle l’écrivaine, qui nous fait entrer dans les coulisses de la création de son œuvre, dit avoir finalement renoncé pour n’y recourir que ponctuellement, dans ce moment privilégié en termes d’effet pragmatique sur le lecteur qu’est l’excipit. C’est là que se révèle explicitement la dimension de tombeau littéraire conférée au texte. Camille Laurens y évoque une sculpture de Degas jamais retrouvée, mais décrite par un de ses contemporains et représentant un monument funéraire. Jacques-Émile Blanche dépeignait en effet en ces termes l’œuvre désormais perdue : « Une petite fille à moitié couchée dans son cercueil mange des fruits, à côté, un banc où la famille de l’enfant pourra venir se recueillir (car c’est un tombeau) »98. L’auteure, qui se plaît à croire que Marie Van Goethem en fut le modèle, achève son récit par la formule suivante : « Je suis assise sur ce banc, Marie. C’est de là que je t’écris »99. L’ouvrage a donc valeur de tombeau de substitution destiné à celle dont on ne connaît pas la tombe et qui fut certainement ensevelie dans quelque « fosse commune ».

Camille Laurens offre un lieu et du lien, insère dans une communauté supposément empathique (une famille, des lecteurs) celle qui, sous les traits criminalisés et racialisés de la Petite danseuse, avait fait l’objet de réactions de rejet et de mépris. Comme le précise fort justement Marie Darrieussecq, « la littérature a toujours su se faire tombe : le « tombeau », portrait d’un défunt, est même un genre depuis les grandes pestes de la Renaissance. Littérature in memoriam, en souvenir »100. Mais, dans la conscience historique contemporaine marquée par le traumatisme emblématique de la Shoah et les violences extrêmes d’un XXe siècle qui fut « le siècle des tombes absentes »101, le genre du tombeau connaît une revivification : « la mémoire n’est plus une élégie, elle est devenue un combat »102. Par le biais du récit de Camille Laurens, la figure de Marie Van Goethem fait son entrée en littérature, et trouve place dans un certain imaginaire collectif contemporain qui porte mémoire des minuscules asservis ou disparus sous la forme d’un « tombeau scriptural […] concurrençant […] à la fois le musée et le cimetière »103.

 

Si, sur le plan esthétique, la célèbre statuette modelée par Edgar Degas constitue un chef d’œuvre de l’art moderne104, elle n’en a pas moins réifié son modèle en en faisant l’illustration d’un type qui, selon les normes sociales de genre et de classe dominantes de la Troisième République, fige Marie Van Goethem dans un rôle socialement construit – celui du petit rat de l’Opéra, fillette pauvre vouée à la prostitution – et la dote pour ce faire de certains des traits criminalisés, voire racialisés, véhiculés par des thèses considérées alors comme scientifiques servant le système de domination en vigueur. C’est ainsi que les critiques d’art et les spectateurs bourgeois du Salon de 1881 ont reçu l’œuvre car « les significations complexes que Degas inscrivait dans sa sculpture furent acceptées comme les attributs réels de la pauvre Marie van Goethem »105. Refusant que la célèbre statuette enferme le modèle dans cette unique dimension, Camille Laurens cherche à restituer un peu de l’épaisseur de la personne et de l’existence de Marie Van Goethem. Sur le mode de l’« intervention dans le réel »106 recherchée par nombre de biographies imaginaires contemporaines, elle l’arrache à l’oubli et lui offre du lien, non sans la rattacher, sur une scène imaginaire, à sa propre famille, à sa propre expérience.

Le récit de Camille Laurens s’inscrit donc dans le sillage des « vies »107 – catégorie littéraire revivifiée depuis le XIXe siècle –, et plus précisément des vies d’artistes (on pense au succès éditorial rencontré par la collection « L’Un et l’Autre » dirigée chez Gallimard par Jean-Bertrand Pontalis ou à l’influence des textes de Pierre Michon consacrés à Van Gogh, Goya ou Watteau). La Petite danseuse de quatorze ans se rapproche même des fictions biographiques plus récemment livrées par David Foenkinos (Charlotte, 2014) et par Marie Darrieussecq (Être ici est une splendeur. Vie de Paula M. Becker, 2016), deux ouvrages visant à rendre de la visibilité à des artistes femmes, ces oubliées de l’art108, au travail régulièrement minoré dans le domaine du patrimoine largement dominé par la production masculine et les canons androcentriques. Comment ne pas faire le constat que, dans les musées, les femmes sont bien moins présentes en tant que créatrices que sous la forme de muses et de modèles ?

Modèle, tel est justement le statut – inférieur encore à celui de femme artiste – de Marie Van Goethem. Insistant sur son nom et son identité (que le titre de la sculpture de Degas ne précise pas – le modèle étant sans doute jugé trop obscur), Camille Laurens hisse, exhausse ce petit rat, cette fille de peu ou de rien selon les représentations sociales de son temps, au rang d’héroïne littéraire et lui ouvre un monde dont elle était exclue. L’auteure écrit en effet :

[…] selon toute probabilité, elle n’a pas été conviée au Salon […] on ne laissait pas entrer les pauvresses, les ouvrières, les prostituées. On ne félicitait pas le modèle de sa patience, de son immobilité, de son abnégation. De sa beauté, à la rigueur, si elle était la maîtresse de l’artiste. C’est tout. Elle n’avait pas couché avec Degas, pas qu’on sache, en tout cas.109

Un autre modèle vient très récemment de sortir de l’ombre à la suite d’un travail sur la correspondance entre Alexandre Dumas fils et George Sand. Claude Schopp a en effet trouvé l’identité du modèle du fameux tableau de Gustave Courbet, L’Origine du monde (1866), modèle auquel il entend contribuer, par son récit, à rendre son statut de « sujet »110. Comme Marie Van Goethem, Constance Quéniaux (1832-1908) fut un petit rat de l’Opéra issu des classes populaires. Comme elle, elle dut, poussée par sa mère, s’assurer la protection de certains des abonnés du Palais Garnier. Mais Constance Quéniaux, qui a intégré le corps de ballet, est ensuite devenue une courtisane, une demi-mondaine en vogue, une des maîtresses du riche diplomate Khalil-Bey, le commanditaire du sulfureux tableau. Celle dont Claude Schopp suggère le lesbianisme111 « a tôt saisi que la galanterie était le seul chemin qui pourrait lui fournir une revanche sociale »112. Mais, par la discrétion de son train de vie, « elle semble aussi avoir échappé au mépris des femmes du monde »113 avant, dans la dernière partie de sa vie, de s’adonner à la philanthropie et aux bonnes œuvres.

Dans La Petite danseuse de quatorze ans, Camille Laurens ne se contente pas d’offrir un tombeau littéraire à une figure perçue comme mineure114 et socialement insignifiante. Elle va plus loin en insistant aussi sur sa place déterminante dans l’œuvre de Degas, sur la part même qu’elle prit dans cette œuvre. Sculptures, dessins et peintures le montrent, Marie Van Goethem fut un modèle récurrent et inspirant de la production de l’artiste (on sait aussi que Degas n’a jamais cessé de retravailler sa Petite danseuse de quatorze ans et qu’il a toujours refusé de la vendre). Plus encore, Camille Laurens voit même en Marie Van Goethem un double de l’artiste :

[…] la ballerine et l’artiste connaissent tous deux la nécessité de travailler dur pour conquérir la forme idéale. Le petit rat ne cesse de répéter jusqu’à épuisement les mêmes gestes, le sculpteur fait, défait, refait sans cesse des modelages toujours imparfaits.115

Par son récit, Camille Laurens redonne donc son importance au statut obscur du modèle, en fait l’acteur d’une collaboration dans la création, la réalisation de l’œuvre d’art. Elle offre ainsi une revanche de genre et de classe à une de ces oubliées de l’Histoire à laquelle un pan de la littérature contemporaine rend hommage et dont il entend porter mémoire « en termes d’éthique et de micropolitique des sujets »116 au sein d’une société éclatée, avide de « retisser l’histoire collective et personnelle »117.

Notes

1 Après la mort de Degas (1917) et avec l’autorisation de ses héritiers, la statuette en cire fut reproduite à une vingtaine d’exemplaires. L’un d’eux est exposé à Paris, au Musée d’Orsay. Retour au texte

2 Voir, par ex., Anne-Marie Monluçon et Agathe Salha (dir.), Fictions biographiques. XIXe-XXIe siècles, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2007. L’ouvrage de C. Laurens est composé de trois parties encadrées par un prologue et un épilogue. Si l’auteure manifeste indéniablement le souci du document exact pour écrire la vie du modèle de Degas (qui n’est pas conduite selon un ordre chronologique strict), elle met aussi en relief les lacunes et les limites de l’entreprise biographique, faisant une place importante au travail du rêve, voire à la fiction. Elle affiche aussi la partialité d’un point de vue individuel, historiquement situé, qui exhibe la porosité des frontières entre biographie et autobiographie. Retour au texte

3 Sur cette catégorie, voir Dominique Viart, « Filiations littéraires », in Jan Baetens et Dominique Viart (dir.), Écritures contemporaines II. États du roman contemporain, Paris-Caen, Minard, 1999 et Dominique Viart, « Fictions familiales versus récits de filiation », in Sylviane Coyault, Christine Jérusalem et Gaspard Turin (dir.), Le Roman contemporain de la famille, La Revue des Lettres modernes, n° 12, « Écritures contemporaines », Paris, Classiques Garnier, 2015. Retour au texte

4 L’hybridité générique du texte de C. Laurens peut aussi s’expliquer par son contexte de production. Les « Remerciements » placés à la fin de l’ouvrage indiquent en effet que celui-ci constitue l’un des « volets » d’un doctorat conduit en recherche-création intitulé « Pratique et théorie de la création artistique et littéraire ». Voir Camille Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, Paris, Stock, 2017, n. p. Retour au texte

5 Rappelons que l’ensemble de l’œuvre de Degas se distingue par sa grande singularité au sein du groupe des impressionnistes auquel la postérité l’a souvent assimilé. Retour au texte

6 Précisons que si certaines orientations du texte de C. Laurens nous semblent redevables à ces champs de recherches qui se sont institutionnalisés et diffusés dans la société actuelle, on trouve peu de références relevant explicitement de ces domaines dans les « Éléments de bibliographie » présentés en fin d’ouvrage (ibid., p. 171-174). Retour au texte

7 Pierre Michon, Vies minuscules, Paris, Gallimard, 1984. C. Laurens cite explicitement cet ouvrage (La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 146). Retour au texte

8 La notion d’intersectionnalité, forgée dans la lignée du Black feminism par la juriste américaine Kimberlé W. Crenshaw, articule l’approche du genre (gender) et des autres rapports de domination sous la forme de l’intersection, soit de l’intrication des formes de domination de race, de classe et de sexe. Voir Laure Béréni et alii, Introduction aux études sur le genre, Louvain-la-Neuve, De Boeck, 2012, p. 278-293. Retour au texte

9 Alexandre Gefen, Réparer le monde. La littérature française face au XXIe siècle, Paris, José Corti, 2017, p. 12. Retour au texte

10 Claude Schopp, L’Origine du monde. Vie du modèle, Paris, Phébus, 2018, p. 37. Retour au texte

11 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 46. Retour au texte

12 Ibid. Retour au texte

13 Ibid., p. 47. Retour au texte

14 Martine Kahane, « Conversation avec Camille Laurens », Musée d’Orsay, 10/12/2017. Voir http://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/conferences/presentation-generale/article/camille-laurens-7091.html ?cHash =d30f271e91. Consulté le 05/01/2019. Retour au texte

15 Théophile Gautier, « Le rat », in Peau de tigre (1866), cité par C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 34. Retour au texte

16 Richard Kendall, Les Coulisses de Degas, Paris, Éditions Assouline, 1996, p. 7. Retour au texte

17 M. Kahane et C. Laurens, « Conversation avec Camille Laurens », op. cit. Retour au texte

18 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 105. Retour au texte

19 R. Kendall, Les Coulisses de Degas, op. cit., p. 12-13. Retour au texte

20 Ibid., p. 13. Retour au texte

21 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 47. Retour au texte

22 Ibid., p. 29. Retour au texte

23 Ibid., p. 93. Retour au texte

24 Ibid., p. 38. Retour au texte

25 Ibid., p. 42. Rappelons que la publication de Nana date de 1880. Retour au texte

26 Ibid., p. 15. Retour au texte

27 Ibid., p. 23. Retour au texte

28 Ibid., p. 28. Retour au texte

29 P. Michon, Vies minuscules, op. cit. Retour au texte

30 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 52. Retour au texte

31 Ibid., p. 142. Retour au texte

32 M. Kahane, « Enquête sur la Petite danseuse de quatorze ans de Degas », in Revue du Musée d’Orsay, n° 7 (automne 1998). Retour au texte

33 M. Kahane et C. Laurens, « Conversation avec Camille Laurens », op. cit. Retour au texte

34 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 55. Retour au texte

35 Ibid. Retour au texte

36 Ibid., p. 88. Retour au texte

37 M. Kahane et C. Laurens, « Conversation avec Camille Laurens », op. cit. Retour au texte

38 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 59. Retour au texte

39 Anthea Callen, « Anatomie et physiognomonie : La Petite Danseuse de quatorze ans de Degas », in L’Âme au corps. Arts et sciences 1793-1993, catalogue réalisé sous la direction de Jean Clair, Paris, Éditions de la Réunion des Musées Nationaux / Éditions Gallimard, 1993, p. 368. Retour au texte

40 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 53. Retour au texte

41 A. Callen, « Anatomie et physiognomonie : La Petite Danseuse de quatorze ans de Degas », op. cit., p. 367. Retour au texte

42 Edgar Degas, « Petite danseuse », poème, in Je veux regarder par le trou de la serrure, cité par C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 82. Retour au texte

43 Selon Lombroso, la prostitution est la forme de la déviance criminelle chez la femme. Voir Peter Strasser, « Cesare Lombroso : l’homme délinquant ou la bête sauvage au naturel », in L’Âme au corps. Arts et sciences 1793-1993, op. cit., p. 352-359. Retour au texte

44 A. Callen, « Anatomie et physiognomonie : La Petite Danseuse de quatorze ans de Degas », op. cit., p. 362. Retour au texte

45 Ibid., p. 371. Retour au texte

46 Ibid., p. 367. Retour au texte

47 Paul Mantz, « Exposition des œuvres des artistes indépendants », Le Courrier du soir, 23 avril 1881, cité par C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 58. Retour au texte

48 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 58. Retour au texte

49 Ibid., p. 15. Rappelons que l’art classique est alors considéré comme le sommet du progrès évolutif. Retour au texte

50 C. Laurence cite Douglas Druick, « La petite danseuse et les criminels : Degas moraliste ? », in Degas inédit, 1988, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 58. Retour au texte

51 A. Callen, « Anatomie et physiognomonie : La Petite Danseuse de quatorze ans de Degas », op. cit., p. 367. Retour au texte

52 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 120. Retour au texte

53 Elle se multiplie dans toute une veine de la sculpture polychrome de l’époque. Comme l’exposition « En couleurs : la sculpture polychrome en France. 1850-1910 » (Musée d’Orsay, 12/06/2018-09/10/2018) l’a montré, ce type de sculpture a pu déranger car elle brouille les frontières avec les arts décoratifs et l’art populaire. Voir Édouard Papet (dir.), En couleurs : la sculpture polychrome en France. 1850-1910, Paris, Hazan-Musée d’Orsay, 2018. Retour au texte

54 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 98. Retour au texte

55 Ibid., p. 70. Retour au texte

56 Joris-Karl Huysmans, « L’exposition des indépendants en 1881 », in Écrits sur l’art. L’Art moderne, cité par C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 17. Retour au texte

57 Précisons que c’est en raison de l’objectivité scientifique prêtée à la sculpture, de ses dimensions réaliste et naturaliste que celle-ci a été considérée comme « moderne » lors du Salon de 1881. Voir A. Callen, « Anatomie et physiognomonie : La Petite Danseuse de quatorze ans de Degas », op. cit. Retour au texte

58 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 79. Retour au texte

59 Ibid., p. 15. À ce sujet, on pourra se rapporter à Degas. A Strange New Beauty, New York, MoMa, 2016. Retour au texte

60 A. Callen, « Anatomie et physiognomonie : La Petite Danseuse de quatorze ans de Degas », op. cit., p. 360. Retour au texte

61 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 60. Retour au texte

62 Ibid., p. 61. Retour au texte

63 Ibid., p. 77. Retour au texte

64 Werner Hoffmann, Degas, trad. de l’allemand par Marianne Dautrey et Aurélia Kalisky, Paris, Éditions Hazan, 2007, p. 261. Retour au texte

65 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 63. Retour au texte

66 A. Callen, « Anatomie et physiognomonie : La Petite Danseuse de quatorze ans de Degas », op. cit., p. 371. Retour au texte

67 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 63. Retour au texte

68 Ibid., p. 121. Retour au texte

69 Ibid., p. 122. Retour au texte

70 Ibid. Retour au texte

71 Ibid., p. 124. Retour au texte

72 Ibid., p. 128. Retour au texte

73 Ibid. Retour au texte

74 Patrick Modiano, « Conférence Nobel », 07/12/2014, cité par A. Gefen, Réparer le monde, op. cit., p. 251. Retour au texte

75 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 61. Retour au texte

76 A. Gefen, Réparer le monde, op. cit., p. 221. Retour au texte

77 Ce mouvement touche plus largement la littérature occidentale contemporaine (on pense à Die Ausgewanderten, 1992, de W. G. Sebald ou à The Lost, 2006, de D. Mendelsohn). Retour au texte

78 A. Gefen, Réparer le monde, op. cit., p. 250. Retour au texte

79 La micro-histoire (microstoria) est un courant historiographique qui s’est développé à partir de la fin des années 1970 autour de la revue Quaderni Storici. En Italie, ses représentants principaux sont Giovanni Levi, Carlo Ginzburg, Carlo Ponti. En France, certains travaux de Michel Foucault, Arlette Farge, Daniel Schweitz et Alain Corbin peuvent leur être associés. Retour au texte

80 Ibid., p. 14. Retour au texte

81 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 148. Retour au texte

82 Ibid., p. 129. Retour au texte

83 Ibid., p. 118. Retour au texte

84 La date de naissance du modèle de Degas (07/06/1865) avait été confondue avec celle de sa sœur aînée, également prénommée Marie, née l’année précédente (17/02/1864) et décédée à l’âge de dix-huit jours. Voir ibid., p. 130-134. Retour au texte

85 Ibid., p. 119. Retour au texte

86 Ibid., p. 143. Retour au texte

87 Ibid., p. 119. Retour au texte

88 Ibid., p. 150. Retour au texte

89 Ibid., p. 119. Retour au texte

90 Ibid., p. 147. Retour au texte

91 Ibid. Retour au texte

92 Ibid., p. 148. Retour au texte

93 Ibid., p. 150. Retour au texte

94 Ibid., p. 158. Retour au texte

95 Camille Laurens est le pseudonyme choisi par Laurence Ruel. Retour au texte

96 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 161. Retour au texte

97 Ibid. Retour au texte

98 Ibid., p. 163. Retour au texte

99 Ibid. Retour au texte

100 Marie Darrieussecq, Rapport de police, 2010, citée par A. Gefen, in Réparer le monde, op. cit., p. 225. Retour au texte

101 Ibid. Retour au texte

102 Ibid. Retour au texte

103 A. Gefen, Réparer le monde, op. cit., p. 237. Retour au texte

104 Voir n. 54. Retour au texte

105 A. Callen, « Anatomie et physiognomonie : La Petite Danseuse de quatorze ans de Degas », op. cit., p. 371. Retour au texte

106 Anne-Marie Monluçon et Agathe Salha, « Introduction. Fictions biographiques XIXe-XXIe siècles : un jeu sérieux ? », in, des mêmes (dir.), Fictions biographiques. XIXe-XXIe siècles, op. cit., p. 31. Retour au texte

107 Sur le renouvellement contemporain du genre des « vies », voir Dominique Viart et Bruno Vercier, La Littérature française au présent, 2ème édition augmentée, Paris, Bordas, 2008, p. 113-120. Retour au texte

108 Voir, par ex., Linda Nochlin, Femmes, art et pouvoir et autres essais, trad. de l’anglais par Oristelle Boris, Nîmes, Éditions Jacqueline Chambon, 1993 ; Simona Bartolena, Femmes artistes : de la Renaissance au XXIe siècle, trad. de l’italien par Ida Giordano, Paris, Gallimard, 2003 ; ou Mary D. Sheriff, « Pour l’histoire des femmes artistes : historiographie, politique et théorie », Perspective, n° 1 (2017). Retour au texte

109 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 16. Retour au texte

110 Cl. Schopp, L’Origine du monde…, op. cit., p. 25. Retour au texte

111 On peut à ce sujet se rapporter à l’entretien de Claude Schopp avec Bénédicte Robin sur France Culture le 25/09/2018 à partir du lien suivant : https://www.franceculture.fr/peinture/mademoiselle-constance-queniaux-la-femme-a-lorigine-du-monde. Consulté le 05/01/2019. Retour au texte

112 Cl. Schopp, L’Origine du monde, op. cit., p. 61. Retour au texte

113 Ibid. Retour au texte

114 Nous employons le terme de « mineur » en le rapportant à celui de « majeur » selon la théorisation de Gilles Deleuze. Le « majeur », c’est « la constante idéale », « le mètre-étalon » en termes de normes sociales et de domination. Voir « Philosophie et minorité », Critique, n° 369, Paris, Minuit, février 1978, p. 154. Retour au texte

115 C. Laurens, La Petite danseuse de quatorze ans, op. cit., p. 112-113. Retour au texte

116 A. Gefen, Réparer le monde, op. cit., p. 19. Retour au texte

117 Ibid., p. 11. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Véronique Léonard-Roques, « Offrir réparation de la violence intersectionnelle : La Petite Danseuse de quatorze ans (2017) de Camille Laurens », Grandes figures historiques dans les lettres et les arts [En ligne], 8 | 2019, mis en ligne le 15 juillet 2019, consulté le 17 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/figures-historiques/291

Auteur

Véronique Léonard-Roques

Université de Brest, CECJI

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